En dépit de sa mort annoncée, le paysage opère depuis une dizaine d’années un retour dans la pratique aménagiste. Il existe en effet un relatif consensus pour faire du paysage un objet pertinent de la conduite de projet urbain, notamment en ce qu’il est un élément susceptible d’en assurer la cohérence en l’inscrivant dans la grande échelle aménagiste (trame verte, trame bleue…) et un élément de médiation entre les différents ordres qui instituent l’urbain (nature, organisation, systèmes techniques, etc.).
De fait, cet intérêt pour le paysage tient pour beaucoup à son caractère flou. En matière d’aménagement, la logique du paysage relève en effet de ce que la sociologie des sciences et techniques a appelé des “objets frontières” : objets aux contours incertains qui permettent la rencontre de différents mondes sociaux. Le paysage est un espace où des savoirs disciplinaires multiples, des rationalités hétérogènes et des intérêts divers se rencontrent et parfois s’affrontent dans un processus de définition de ce qu’est le lieu de l’intervention et donc de la réponse spatiale qu’on y développe.
Dans des cas plus rares, il peut aussi être une instance de dernier recours qu’on mobilise pour produire une cohérence a posteriori, dans un processus de naturalisation : le site a ses intouchables et c’est ainsi qu’il convenait de l’aménager.
Ainsi, le paysage est tout autant une méthode d’analyse qu’une médiation et une modalité d’argumentation. “Faire du paysage” et “faire le paysage”, c’est aussi enrôler des ressources (de l’eau, du temps, de la culture, des identités…) pour fonder l’évidence d’une réponse spatiale. De sorte que ce flou fonde le paysage comme un analogue de l’espace public, un espace qui organise la rencontre de ce qui est distant (dans le temps, dans l’espace) pour faire société.
C’est précisément l’efficace de cette indécision du paysage que souhaite appréhender ce colloque. Pour ce faire, on empruntera trois chemins :
Le premier cible les sensibilités paysagères. Le paysage se pose en effet comme lieu où les interventions sur un cadre de vie deviennent perceptibles car visibles. C’est en ce sens que l’on parlera de sensibilités paysagères. Lieu de manifestation et d’aperception de “ce qui change”, le paysage sensible est, par suite, un lieu de mobilisations (au sens où l’on se mobilise pour une chose ou un cause). On s’intéressera ici aux conflits de rationalités et d’usages ouverts à l’occasion de projets de paysage. On cherchera également à comprendre à quel titre le paysage est mobilisé par les différents acteurs des controverses paysagères. Est-il, par exemple, mobilisé parce qu’il participe à ce qui fait le beau, le juste et l’adéquat ? Dans le prolongement, ce sont les mobilisations collectives consécutives à la mise en tension de ces sensibilités paysagères qui peuvent être analysées. On sera donc également attentif à la dimension identitaire des paysages de projet. La problématisation par les sensibilités paysagères peut être élargie à la question patrimoniale des ancrages à valoriser dans les projets de paysage, ces “intouchables” à partir desquels faire paysage.
Le deuxième chemin approfondira la capacité du paysage à fonctionner comme un point de rencontre de savoirs hétérogènes et d’intérêts différents sinon divergents. Les propositions de communication rassemblées ici seront notamment attentives à l’identification — dans une perspective réflexive et critique — des outils de participation dans les projets de paysage. On s’intéressera également aux temporalités des séquences paysagères : à quel moment recourt-on, construit-on le paysage dans le projet ? En phase de diagnostic (ce qui compte) ou en phase de projet (ce qui va compter).
Enfin, le troisième chemin, traitera la question des mobilisations paysagères de manière plus littérale : il s’agira de documenter le manière dont les faiseurs de villes et de territoires usent du paysage ; de décrire les modalités d’action qui instituent le paysage. Il s’agit ici de développer une saisie des opérations pratiques et des médiations qui permettent de “faire parler” l’espace pour le plier au service du projet aménagiste, de décrire le paysage en train de se faire dans la mobilisation de documents d’urbanisme, d’outils de planification et de mise au service d’une stratégie d’argumentation (question de l’intégration dans un contexte, rôle micro de structuration du périmètre…). De même, il serait intéressant d’interroger ici les variations historiques des “lois de la composition” paysagère en matière de projet territorialisé.
Par l’intermédiaire de ces trois focales, on cherchera à comprendre si – et comment – le paysage peut être un élément rassembleur dans la conduite de projet urbain.
Le propositions de communications peuvent être tout autant des restitutions de recherche (selon la forme canonique des communications à un colloque académique) que des retours de pratique [télécharger le programme].
8 h 00 – 8 h 30 : Accueil des communicants – Institut national genevois (promenade du Pin 1)
8 h 30 – 9 h 00 : Ouverture du colloque – salle A
9 h 00 – 10 h 30 : Session 1.1 – salle A : Paysage en projet I
Modération : Elena Cogato Lanza, maître d’ensei- gnement et de recherches, École polytechnique fédérale de Lausanne.
9 h 00 – 10 h 30 : Session 1. 2 – salle B : Paysage en partage I
Modération : David Gaillard, chargé de recherches, Fondation Braillard Architectes.
10 h 30 – 10 h 50 : PAUSE
10 h 50 – 12 h 20 : Session 2.1 – salle A : Paysage en partage II
Modération : Yves Bonard, chef de projet, Service d’urbanisme de la Ville de Lausanne.
10 h 50 – 12 h 20 : Session 2.2 – salle B : Paysage en méthode
Modération : Frédéric Pousin, professeur, École nationale supérieure de paysage de Versailles.
12 h 20 – 14 h 00 : PAUSE
14 h 15 – 15 h 45 : Session 3.1 – salle A : Paysage en projet II
Modération : David Gaillard, chargé de recherches, Fondation Braillard Architectes.
14 h 15 – 15 h 45 : Session 3.2 – salle B : Paysage en émergence
Modération : Laurent Matthey, directeur scientifique, Fondation Braillard Architectes.
15 h 45 – 17 h 30 : PAUSE
16 h 00 – 17 h 30 : Session 4.1 – salle A : Paysage en projet III
Modération : Christophe Mager, maître d’enseignement et de recherches, Institut de géographie de l’Université de Lausanne.
16 h 00 – 17 h 30 : Session 4.2 – salle B : Paysage perçu, vécu, narré
Modération : Laurent Matthey, directeur scientifique, Fondation Braillard Architectes.
17 h 30 – 18 h 00 : Clôture du colloque – salle A
Institut national genevois, Promenade du Pin 1, CH – 1204 Genève.
Mercredi 25 avril 2012, de 8 h 30 à 18 h 00.
Inscription obligatoire, via le formulaire en ligne, jusqu’au 5 avril 2012.
Jean-Marc Besse, Centre national de la recherche scientifique, Unité mixte de recherche 8504 Géographie-cités.
Yves Bonard, Observatoire universitaire de la ville et du développement durable.
Rémi Baudouï, Institut des sciences de l’environnement de l’Université de Genève.
Catherine Chomarat-Ruiz, Laboratoire de recherches de l’École du paysage, École nationale supérieure du paysage de Versailles.
Elena Cogato Lanza, Laboratoire de construction et construction, École polytechnique fédérale de Lausanne.
Antonio Cunha, Institut de géographie de l’Université de Lausanne.
Bernard Debarbieux, Département de géographie de l’Université de Genève.
Bernard Declève, École d’aménagement du territoire et d’urbanisme de l’Université catholique de Louvain.
Roselyne de Lestrange, École d’aménagement du territoire et d’urbanisme de l’Université catholique de Louvain.
Christophe Mager, Institut de géographie de l’Université de Lausanne.
Laurent Matthey, Institut de géographie de Université de Neuchâtel et Fondation Braillard Architectes.
Michael Jakob, Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève.
Nicolas Pham, Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève.
Frédéric Pousin, Laboratoire de recherches de l’École du paysage, École nationale supérieure du paysage de Versailles.
Fondée en 1987, la Fondation Braillard Architectes (FBA) est active dans les domaines de la recherche en études urbaines et sciences de la ville, de la valorisation et de la conservation du patrimoine architectural du XXe siècle et la promotion de l’architecture et de l’urbanisme.
David Gaillard, Fondation Braillard Architectes.
Hélène Gallezot, Fondation Braillard Architectes.
Laurent Matthey, Fondation Braillard Architectes.
Tearanel Te, Fondation Braillard Architectes.
Fondation Braillard Architectes, 16 rue Saint-Léger, 1205 Genève, info@braillard.ch, www.braillard.ch