Construite entre 1974 et 1978, la tour de l’OMPI s’inscrit dans le prolongement du premier bâtiment situé à ses pieds. Ce dernier est également construit par Pierre Braillard entre 1958-1962. Ce premier édifice est un immeuble de bureaux de cinq étages, de la forme d’un parallélépipède rectangle, posé le long du chemin des Colombettes. Le bâtiment abritait alors les Bureaux Internationaux Réunis pour la Protection de la Propriété Intellectuelle, Littéraire et Artistique (BIRPI). Bureaux qui prendront le nom d’OMPI en 1970. La construction de la tour de l’OMPI a permis de relier les deux bâtiments par une large galerie vitrée. Elle abrite l’entrée principale du nouvel édifice. Plusieurs éléments architecturaux et solutions constructives – dont la façade rideau vitrée est sans doute la plus significative – manifestent une façon constructive propre à Pierre Braillard. Ainsi aujourd’hui, ne peut-on parler de la tour de l’OMPI sans évoquer le bâtiment de l’ancien BIRPI. Car les deux constructions sont indissociables l’une de l’autre et forment un ensemble équilibré et cohérent. Cette unité architecturale transparaît de manière encore plus frappante sur les dessins du concours; les deux édifices y apparaissant comme un seul et unique projet. Ces dernières années, le bâtiment de l’ancien BIRPI a subi de nombreuses transformations au niveau du plan, de l’enveloppe et du volume. Ainsi une cage d’ascenseur extérieure vitrée est accolée sur la façade sud, tandis que son extrémité ouest est affublée d’une extension sur toute la hauteur, transformant son plan rectangulaire initial en un “L” par un timide retour d’angle. Enfin, une double passerelle vitrée relie désormais le bâtiment de Pierre Braillard – au niveau du 4e et du 5e étage – à celui qui lui est perpendiculairement attenant, le long de la rue du Pré-de-la-Bichette. Ce dernier est construit par Ernest Martin entre 1958 et 1960 et abritait le siège de l’Organisation Météorologique Mondiale jusqu’à la fin des années 1990. Aujourd’hui baptisé Nouvel immeuble PCT, le bâtiment est propriété de l’OMPI qui l’a racheté dans le cadre du regroupement de ses activités sur le site des Nations.
De son emplacement, la tour de l’OMPI entre ainsi en résonance avec le Palais des Nations. Celui-ci s’affiche comme une imposante structure dont l’échelle du bâti est à la mesure de son étalement. À cette horizontalité, Pierre Braillard oppose la verticalité de sa tour. Les deux partis s’annulent et se complètent pour former un ensemble équilibré et harmonieux. La tour de l’OMPI apparaît donc comme une composante majeure dans la lecture urbaine et architecturale du site.
De tous les bâtiments onusiens à Genève, la tour de l’OMPI est sans doute le seul édifice qui bénéficie d’un rapport direct – intense et privilégié – avec la Place des Nations et par extension avec le palais du même nom. Pour mesurer, à sa juste valeur, la relation qui unit la tour de l’OMPI au palais des Nations, il importe néanmoins de prendre de la hauteur. Le résultat est alors saisissant. A mesure que l’on s’élève vers le sommet de la tour, le palais des Nations apparaît jusqu’à se dévoiler entièrement dans toute son étendue. Au terme de son ascension, le spectateur peut saisir la totalité de la construction monumentale. Une vision à la fois globale et rapprochée se dégage depuis la terrasse en attique, offrant un point de vue unique. Sous l’effet de l’élévation, qui tend à comprimer les distances, le palais des Nations semble s’être transposé littéralement sous les pieds de la tour de l’OMPI. D’où cette impression d’une proximité accrue entre ces deux édifices frères, contrastant fortement avec celle ressentie quinze étages plus bas. De son emplacement, la tour de l’OMPI entre ainsi en résonance avec le Palais des Nations. Celui-ci s’affiche comme une imposante structure dont l’échelle du bâti est à la mesure de son étalement. À cette horizontalité, Pierre Braillard oppose la verticalité de sa tour. Les deux partis s’annulent et se complètent pour former un ensemble équilibré et harmonieux. Cette considération vaut également pour le bâtiment de la BIRPI bien qu’il soit à une échelle plus modeste. La tour de l’OMPI apparaît donc comme une composante majeure dans la lecture urbaine et architecturale du site. Aux caractéristiques historique, géographique et urbaine du site s’ajoute un aménagement extérieur de qualité qui renforce le cachet de la tour de l’OMPI: le jardin d’agrément dessiné par l’architecte-paysagiste brésilien Roberto Burle-Marx (1908-1994). Son intervention s’étend sur toute la parcelle allongée, en contre bas des deux bâtiments de Pierre Braillard, sur laquelle se dressent d’immenses chênes centenaires. Il s’agit d’un jardin architecturé qui place la tour de l’OMPI dans un écrin de verdure à l’instar du bâtiment du BIT (1974) dont l’immense parc est aménagé par l’architecte-paysagiste zurichois Walter Brugger (1924-2002).
La tour de l’OMPI se distingue des constructions environnantes par la double courbure de ses façades, à l’exception de celles, biconcaves mais moins prononcées, de l’immeuble du BIT (1969-1974). Cette double courbure constitue son image de marque, solidement ancrée dans l’esprit collectif. Cette référence à la courbe apparaît déjà, de manière explicite, dans la devise “ARC”, du projet du concours de 1974. Cette appellation traduit sans équivoque la déclinaison géométrique de l’objet projeté. Ici, c’est bien la courbure du plan qui est mise en valeur et non pas son orthogonalité. La tour de l’OMPI n’est toutefois pas le premier projet orbiculaire de Pierre Braillard. On retrouve cette variation géométrique dans ses précédentes réalisations ainsi que dans celles de son père, Maurice, avec lequel il a collaboré étroitement durant toute sa carrière. La plus connue restant sans doute la Maison Ronde (1927-1928) suivi de l’immeuble d’habitations Caramaro à la rue des Délices (1949-1954). Mais celui qui, à nos yeux, surclasse toutes les autres réalisations dans la sublimation raffinée et majestueuse de la courbe reste indéniablement le Garage des Nations (1935-1936) de Maurice Braillard. Surtout que ce bâtiment, d’une sobriété exemplaire et d’une beauté exceptionnelle, est situé juste en face, à une encablure, de la tour de l’OMPI. Une œuvre modeste par ses dimensions mais immensément riche par son architecture, par sa qualité spatiale et constructive et dont les courbes se déclinent et s’entrelacent dans une sensualité Baudelairienne. Est-ce par égard au Garage des Nations de son père que Pierre Braillard valorise à nouveau la courbe dans sa tour de l’OMPI ? Pierre Braillard ne livre aucune information sur la référence architecturale à laquelle il se réfère pour sa tour de l’OMPI. Pas un indice permettant de déceler le ou les bâtiments qui ont nourri son inspiration. Quel serait alors l’objet architectural qui a servi de modèle à son œuvre? Face à cette lacune, les amateurs d’architecture ne manquent pas de déceler une similitude frappante entre la tour de l’OMPI et celle de l’Hôtel-de-ville de Toronto (1958-1962), au Canada, de l’architecte finlandais Viljo Revell (1910-1964). Ces deux projets possèdent, à peu de choses près, plusieurs points communs aussi bien sur le plan formel, institutionnel qu’organisationnel: même typologie d’un immeuble administratif, même distribution spatiale et même concavité de la façade, chacune d’elle entourant respectivement une même salle de conférence située à leur pied. Pourtant Pierre Braillard – qui ne peut ignorer son existence – ne fait aucune mention de cette construction canadienne dans ses écrits. Aussi, nous ignorons dans quelle mesure cette dernière a une quelconque influence sur la tour de l’OMPI.