En dépit de sa mort annoncée, le paysage opère depuis une dizaine d’années un retour dans la pratique aménagiste. Il existe en effet un relatif consensus pour faire du paysage un objet pertinent de la conduite de projet urbain, notamment en ce qu’il est un élément susceptible d’en assurer la cohérence en l’inscrivant dans la grande échelle aménagiste (trame verte, trame bleue…) et un élément de médiation entre les différents ordres qui instituent l’urbain (nature, organisation, systèmes techniques, etc.). De fait, cet intérêt pour le paysage tient pour beaucoup à son caractère flou. En matière d’aménagement, la logique du paysage relève en effet de ce que la sociologie des sciences et techniques a appelé des “objets frontières” : objets aux contours incertains qui permettent la rencontre de différents mondes sociaux. Ainsi, le paysage est tout autant une méthode d’analyse qu’une médiation et une modalité d’argumentation. “Faire du paysage” et “faire le paysage”, c’est aussi enrôler des ressources (de l’eau, du temps, de la culture, des identités…) pour fonder l’évidence d’une réponse spatiale. De sorte que ce flou institue le paysage comme un analogue de l’espace public, un espace qui organise la rencontre de ce qui est distant (dans le temps, dans l’espace) pour faire société. C’est précisément l’efficacité de cette indécision du paysage qu’appréhendent les textes rassemblés dans ce volume.