Au commencement, il y a ce que Koolhaas a appelé un « condensateur » : la Hauptbahnhof de Berlin et son programme démesuré qui offre un site à ce que Benjamin aurait appelé, avec Marx, une fétichisation de la marchandise. Ce condensateur est une hyper centralité, une synecdoque de la ville 24 h sur 24 h rêvée par certains promoteurs de la ville contemporaine. Mais elle est aussi un moyen d’accès à l’inconscient de la centralité des sociétés qui ont organisé leurs savoirs spatiaux autour d’un schème qui est celui de la sédentarité. C’est cet inconscient qui est thématisé dans un deuxième temps, en cherchant à comprendre comment centralité, urbanité et ville se sont trouvées associées dans une forme d’équivalence forcée qui aura conduit à ce que le droit à la ville ait pu être thématisé comme un droit d’accès à la centralité. Contre cette équivalence forcée, il est proposé, dans un troisième temps, de développer une pensée selon laquelle la centralité ne saurait être réduite à un lieu favorisant les interfaçages. C’est alors une théorie de l’espace mobile qui est proposée. Selon cette théorie, ce ne sont pas les lieux qui sont porteurs de centralité, d’urbanité, mais l’assemblée des Hommes. Une pensée qui insiste ainsi sur la plasticité de configurations socio-spatiales intrinsèquement instables et flottantes qui aspirent à rendre compte de l’« apparition-disparition de lieux, indépendamment de la réalité matérielle des objets ». Dans un quatrième temps, il s’agit donc de comprendre – autour d’un exemple, celui de la spatialité de la mouvance alternative genevoise à la fin des années 1990 – la fonctionnement de ces centralités baladeuses et clandestines afin d’entrevoir ce qu’elles peuvent insinuer en terme de savoirs urbains. Au final, c’est un retour mélancolique sur une impossible planification libertaire qui est suggéré, alors que la ville récupère ses délaissés pour en faire de nouvelles centralités et des espaces publics conformes aux principes du new urbanism.